Dollar américain, une monnaie refuge?

L’économie mondiale reste dominée par les États-Unis malgré la concurrence impitoyable que leur livrent les émergents, notamment la Chine. Avec une domination scientifique et technologique sans égale, le pays de l’oncle Sam continue de donner le ton. Le dollar symbolise cette suprématie : il est la monnaie de réserve mondiale. Aucune autre n’a ce statut privilégié. C’est donc sur le dollar américain que repose la valeur des autres monnaies. Cette situation est-elle appelée à perdurer définitivement ? Avec la montée en force d’autres pays, le dollar américain va-t-il encore resté longtemps une valeur refuge ? La situation inquiétante de la dette pharaonique des États-Unis ne va pas-t-elle avoir raison de la success story américaine et de l’American dream ?

Lorsqu’on demande aux autorités politiques mondiales sur quoi repose la valeur de leur monnaie, elles se contentent souvent de pointer l’immense réserve de billets verts qu’elles ont accumulée dans leur banque centrale. Le dollar continue ainsi d’être l’étalon-monnaie auquel se réfèrent quasiment tous les pays. Ce statut, unique, lui permet, entre autres, d’être considéré comme l’une des plus importantes valeurs refuges lorsque l’économie mondiale traverse une crise. Comme en 2009, à la suite de la faillite de Lehman Brothers. A cette époque, craignant un plongeon de l’économie mondiale dans l’abysse le plus profond, les investisseurs se sont rués sur le billet vert pour sécuriser leurs avoirs. Un tel épisode n’a rien d’inédit depuis bientôt 60 ans. Il est le signe que le système politico-financier américain continue d’être perçu comme la protection ultime dans les temps les plus difficiles.

Cette situation remarquable de la monnaie US, longtemps incontestée, semble se fissurer peu à peu. Dans les milieux financiers les plus divers jusqu’à la plus haute sphère des États, le dollar-roi ne suscite plus autant de confiance. Au contraire, il provoque la méfiance et la contestation. A l’origine du désamour, l’état de l’économie américaine, dont l’endettement atteint des niveaux gigantesques. Pour financer leurs dépenses et continuer à asseoir leur domination politique à travers le monde, les États-Unis sont, en effet, obligés de s’endetter de plus en plus. Les recettes du gouvernement US ne suffisent plus à maintenir le train de vie de l’État. Or, il semble qu’aucun politicien, de quelque bord qu’il soit, n’est en mesure d’inverser cette tendance vers toujours plus de déficit. Aussi, il parait douteux que l’Amérique puisse un jour rembourser ses dettes compte tenu de la vitesse à laquelle elle fait des emprunts.

Pour le dollar-roi, cela signifie que les choses vont peut-être changer dans un avenir proche. Les commentateurs sont nombreux à prédire un avenir sombre au billet vert, surtout en constatant que la Chine renâcle de plus en plus à acheter des obligations américaines. Plusieurs hauts responsables Chinois ont ainsi émis publiquement le souhait de diversifier les réserves supplémentaires de leurs pays en Euros et en Yens. En réalité, ce que redoutent de plus en plus d’investisseurs, c’est que la FED subisse une situation comparable à celle de la Banque d’Angleterre, en 1992, qui a été empêchée de dévaluer la livre sterling. En a résulté une crise économique majeure au Royaume-Uni.

Plusieurs options s’offrent aux États-Unis pour ralentir leur endettement. Ils peuvent, par exemple, renoncer aux dépenses consacrées à la santé des citoyens américains, autrement dit amender de fond en comble la réalisation du projet Medicare. Ils peuvent aussi amender le plan visant à assurer un certain niveau de sécurité sociale aux Américains. Enfin, ils peuvent se risquer à ne pas payer leurs dettes. Ces options sont loin d’être optimales pour l’équilibre financier américain. De plus, elles sont extrêmement impopulaires parmi les citoyens. Il semble donc que les États-Unis n’ont d’autres choix que de faire tourner la planche à billets pour financer leurs dettes. Cela provoquera une inflation dans une économie qui se relève à peine de la crise des subprimes. Tôt ou tard, le dollar pâtira des effets de cette politique d’endettement sans répit.

Que faut-il retirer de tout cela ? Le dollar US, bien qu’étant adossé à une économie ayant des fondamentaux solides, ne peut plus vraiment être considéré comme une valeur refuge. Trop élevées, les dettes américaines sont les plus redoutable des épées de Damoclès sur le dollar. Le roi est sur le point de perdre sa couronne.