Le Yuan, une valeur refuge ?

Locomotive de l’économie mondiale depuis une décennie, la Chine est désormais reconnue par tous comme une superpuissance, non plus en devenir, mais pleine et véritable. Elle a dépassé l’ensemble des pays de l’Union Européenne (UE) en termes de Produit Intérieur Brut (PIB), mais aussi le Japon, longtemps avoir été le seul pays d’Asie bénéficiant de l’estime du monde de la finance internationale. Il ne reste ainsi plus que les Etats-Unis pour tenir tête à l’ancien Empire du Milieu qui s’est bel et bien réveillé de son sommeil séculaire. Suivant naturellement cette évolution, la monnaie chinoise, le yuan, prend elle aussi le chemin de la reconnaissance, et semble même vouloir jouer le rôle que le dollar américain a tenu plus d’un demi-siècle, celui de devise réserve mondiale. Même si l’on n’en prend pas encore clairement le chemin, le yuan affiche déjà, à côté d’autres grandes monnaies, les caractéristiques qui font de lui une valeur refuge. Alors, la monnaie chinoise, véritablement refuge en temps de crise ? C’est la question à laquelle nous allons tenter de répondre dans ce qui suit.

C’est devenu un fait pour tous que l’économie du XXIème siècle sera très différente de celle du siècle l’ayant précédé. Le fossé entre les pays développés et les pays émergents s’est remplie ; et, cette tendance n’est pas prête de prendre fin. Le monde continuera de changer à une vitesse rapide ; les émergents en retireront le plus davantage. La Chine surtout. Avec ses réserves monétaires dépassant celles des Etats-Unis, elle est en train progressivement de prendre le pouvoir en termes économique. Mais c’est moins cet aspect particulier qui encourage à voir dans sa monnaie une valeur refuge. La Chine, en effet, c’est surtout des fondamentaux exceptionnellement solides se traduisant par une croissance de près de 10% chaque année. Ce taux, l’un des plus élevés au monde, assure au yuan une grande stabilité. En raison de son coût relativement bas sur le marché des changes, il exerce en outre un pouvoir d’attraction élevé sur les investisseurs, qui voient, pour la plupart, une remontée forte de sa valeur sur le moyen et long terme. La Chine, en effet, bénéficie de plusieurs facteurs favorables : un dynamisme de ses exportations se traduisant par des excédents commerciaux fabuleux face à ses principaux concurrents européens, asiatiques, américains et africains ; des investissements massifs en biens d’équipements, moteur de sa compétitivité ; mais aussi une consommation intérieure portée par une population ayant vu son pouvoir d’achat marqué par une forte hausse en quelques décennies seulement. Résultat, les investisseurs sont de plus en plus enclins et nombreux à faire confiance en sa monnaie.

Les deux seuls véritables concurrents de la monnaie chinoise, l’Euro et le Dollar, semblent n’être plus aussi solides qu’ils l’étaient auparavant. La devise européenne souffre de l’atonie de la croissance des principaux pays de la zone euro. Le dollar, quant à lui, est pénalisé par une dette américaine dont le montant atteint des sommets. Ces deux monnaies n’offrent plus par ailleurs de rendements élevés aux investisseurs, avec des taux officiels qui ne dépassent guère 1% en temps normal. Les devises émergentes, en comparaison, bénéficient de taux nettement plus attractifs compris entre 4,5% et 6,5%. S’agissant du yuan en particulier, le rendement est toutefois limité par le degré élevé d’interventionnisme du gouvernement de Pékin, celui-ci empêchant tout hausse qui pénaliserait les exportations du pays.

Mais au-delà des problèmes de dette et de panne croissance des pays développés, la monnaie chinoise profite surtout du fait que le risque financier s’est déplacé. Ce ne sont plus les émergents qui inquiètent le plus, mais les pays économiquement les plus avancés. Ainsi, la zone euro présente des failles importantes qui peuvent provoquer à terme son éclatement. Certaines de ses difficultés d’ordre structurel n’ayant toujours pas reçu de solutions malgré le temps qui passe. Ainsi en est-il par exemple de l’inégalité entre des pays technologiquement très avancés comme l’Allemagne, et des économies basées essentiellement sur le secteur agricole et du service à l’instar de la Grèce ou du Portugal.

En somme, le yuan profite à la fois de la bonne dynamique chinoise et de la mauvaise posture de ses principaux concurrents. Sur le long terme, cette situation va renforcer considérablement son statut de valeur refuge. Les perspectives de rendement et de stabilité du yuan est en train de modifier le visage du marché monétaire.